THE GAZER
- arnaudhallet
- 24 avr.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mai
Ryan J. Sloan

SOYEZ SYMPAS, REMBOBINEZ
The Gazer est de ceux qui demandent quoi faire des autres films follement aimés. Thriller anxieux et paranoïaque, il suinte par tous ses pores du Lynch, Cronenberg, Scorsese, De Palma, Cassavetes, les frères Safdie et tant d'autres. Il peine parfois à dépasser cette question, à se hisser au-dessus de la mêlée de références, ou du moins à s'installer ailleurs. De poser les valises. Il y a pourtant une forme vivace qui s'en dégage, comme un frêle feu noir qui rend, à certains endroits bienvenus, moins hommage qu'il ne cherche la même sève, le même bois de ces amours anciennes. The Gazer ne regarde jamais vraiment droit devant, plutôt toujours derrière. Un coup d'œil dans le rétro, à la Taxi Driver. C'est ainsi que le film évacue toutes les technologies modernes, tourné en 16mm, et se peuple allégrement de VHS, de cabines téléphoniques, d'écrans cathodiques. L'actrice, Ariella Mastroianni, co-autrice du film avec le cinéaste, Ryan J. Sloan, se trimballe dans la ville et les appartements, des écouteurs vissés aux oreilles. Comme s'il fallait se couper du monde pour mieux s'y accrocher. Son personnage souffre en effet de dyschronométrie, une maladie neurodégénérative qui altère la perception du temps. La question, on l'entend, est purement cinématographique. Elle l'est, chimiquement. C'est le programme du film tout entier, qui se coupe volontairement de toute réalité, fait sa promenade d'angoisse en vase clos, parmi les images du passé qu'il charrie, qu'il rejoue de temps en temps quasiment à l'identique. La tendance voyeuriste du personnage est celle du film : vouloir tout regarder, s'introduire dans l'intimité de tous, se liquéfier dans un grand bain, une collection de souvenirs et d'émotions revisitées. C'est un sentiment double et confus qui se dépose alors une fois le périple terminé, entre la réjouissance de voir le conte de fées d'un électricien devenu cinéaste tentant de porter le nouveau cinéma indépendant américain, accolée à cette frustration de se cantonner à un exercice tautologique d'ultra-cinéphile. Plus voyeur que voyou, pour le moment.
Arnaud Hallet
The Gazer de Ryan J. Sloan, en salles le 23 avril 2025

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