top of page

10 QUESTION À CAMILLE NEVERS

  • Photo du rédacteur: arnaudhallet
    arnaudhallet
  • 3 juin
  • 3 min de lecture


Toutes les critiques de cinéma sont-elles des autoportraits ?


Non. Parfois des autofictions, le plus souvent des autosatisfactions.


Quelle est la toute première critique que tu as écrite et publiée officiellement et quel souvenir en gardes-tu ?


À Ici Paris, lors d’un stage d’été, sur Hudson Hawk de Michael Lehmann, cinéaste trop méconnu, très délirant et libre. J’en garde le souvenir goguenard d’avoir pu livrer ce petit texte en contrebande. Ça me changeait des traductions pompées sur les tabloïds anglo-saxons merdiques dont j’étais chargée, ou de devoir interviewer Licence IV, gros lourds libidineux numéro 1 du Top 50 que le monde a oublié, comme tant de nullités d’un jour, ou de refuser d’appeler Nadine Trintignant pour lui soutirer des infos sur sa fille, Marie Trintignant, dont on venait d’apprendre qu’elle était hospitalisée après un accident de voiture, en me faisant passer pour une de ses amies. J’ai toujours su dire non, et souvent eu tort de finir par dire oui. Un non s’affirme, un oui s’extorque. À l’époque, je faisais déjà de la radio libre à FG. C’est là que j’avais choisi mon pseudonyme. J’avais préféré signer pour Ici Paris (sur Hudson Hawk puis L.A. Story avec Steve Martin) : Camille Envers.


La critique de cinéma en 2025 : comment va-t-elle ?


Pas plus mal qu’avant, mais plus nombreuse. Beaucoup écrivent vraiment mal. Et puis, j’en lis peu.


Que Jeanne Dielman soit presque devenu "officiellement" le plus beau film de tous les temps : est-ce une bonne chose ?


Comme tout classement, c’est un indicateur, à valeur relative, la prise de pouls ou de tension du monde cinéphile à l’instant T. Que les votes qui l'ont primé en 2022 aient permis de lâcher un peu les éternels mêmes classiques, têtes de gondoles, le ronron et les hommes, c’est parfait. Ça fait les pieds, à beaucoup, c’est vivant. Sinon à quoi bon les classements ? C’est mort. Et que ce soit Chantal Akerman, que ce soit ce si grand film, avec Seyrig, absolument magnifique et important, que demande le peuple ?


Est-ce que tu as l'impression de mieux connaître tes goûts avec le temps ?


Pas de mieux les connaître, mais de mieux en connaître les contours, les détours, les facilités comme les pièges, les ressorts, et les dégoûts correspondants. J’identifie maintenant mon goût pour un film à cette émotion très particulière qu’il me procure qui le distingue de n’importe quel autre : l’exaltation, c’est le mot, et la pensée que cette joie rare déclenche, qui justifie de s’atteler à une critique et de peiner à ne pas "faire de phrases".


Si tu devais adapter une de tes critiques en film, ce serait lequel ?


« À l’ombre des serial killers », Cahiers du cinéma, novembre 1992. Mais en corrigeant pas mal de choses, avec le recul. Le sujet est dans le titre. C’était une supplique pour un cinéma des temps nouveaux, sériel, palingénésique, phénoménologique. D’où Lynch (que je sous-estimais encore bêtement pour de mauvaises raisons alors).


Est-ce qu'on brûle assez nos idoles ?


Seulement au crépuscule.


Éprouves-tu de la nostalgie vis-à-vis d'une certaine époque révolue du cinéma ?


Je n’aime pas la nostalgie. Ni les nostalgiques, qui sont des allergiques du temps. Ils ne pensent pas, ils éternuent. Et sont aux antipodes de la disposition cinéphile minimum, qui est mélancolique, le doux regret du futur.


Tu es à la tête d'un ciné-club dans 100 ans et tu dois montrer un film contemporain : tu choisis lequel ?


Cloud Atlas. Avec Cap Nord en court métrage de première partie ou seconde partie de programme.


Le 16 janvier, sur Instagram, tu écris, à la mort de Lynch : "le plus grand cinéaste vivant est mort". Qui prend sa place dans le monde des vivants ?


Ça valait pour Lynch seul, la blague triste (piquée par Libération pour sa manchette de couverture). Sinon alors, s’il faut vraiment n’en citer qu’un, et pour rester dans le même esprit du mort-vivant, des limbes et de la beauté cyclique, le plus grand : John Carpenter.


Propos recueillis par Arnaud Hallet en mai 2025.

Comments


Naomi te regarde brûler. Naomi parle mal, mais aime bien. Naomi flotte dans un glitch. Naomi a fini le jeu.

bottom of page